Chronique faisant suite à l’article « Les Nations Unies et les Drogues » et en suite de la conférence récente de l’ACNU-Grand Montréal sur les Conventions des Nations Unies sur la torture.
J’ai lu récemment dans Aleteia, un site internet catholique, un résumé d’un discours du Pape François sur le populisme pénal. J’ai été étonnée de la justesse de ses propos. J’ai aussi, à cette occasion, connu l’expression « populisme pénal », expression qui existe depuis une décennie. L’utilisation des sentiments de peur de la population pour demander ou passer des législations fortement répressives.
Vous vous demandez peut-être pourquoi je lis à l’occasion les articles du site Aleteia. Un article de Fabrice Balanche m’y a amenée. Fabrice Balanche est un universitaire de Lyon et un des grands experts sur la question Syrienne et du Moyen Orient. Le site Aleteia est remarquable par la qualité de son information.
Je reviens au résumé du discours du Pape François sur le populisme pénal publié sur ce site :
« Dans ce discours très long et très fort devant l’association internationale du droit pénal, le Pape a notamment dénoncé les incitations à la vendetta et au populisme pénal, s’appuyant probablement sur la situation de son pays d’origine, l’Argentine. Il y a quelques mois : le Pape s’était dit bouleversé par le lynchage d’un jeune garçon suspecté d’avoir commis un vol. Il s’est élevé contre un certain "populisme pénal" qui promet de résoudre les problèmes de la société en punissant les crimes au lieu de viser à la justice sociale. "Il est impossible d’imaginer que, de nos jours, des états ne puissent pas faire appel à autre chose qu’à la peine capitale pour défendre les vies contre un agresseur injuste", a-t-il souligné.
Pour le Saint Père, "tous les chrétiens et les gens de bonne volonté sont appelés à lutter non seulement pour l’abolition de la peine de mort, mais aussi pour améliorer les conditions d’emprisonnement, dans un souci de respect de la dignité humaine des personnes privées de liberté." Le Pape François, pour qui "l’emprisonnement à vie est une peine de mort camouflée", a souligné que le Vatican a récemment supprimé l’emprisonnement à vie de son propre code pénal.
« La vie en commun a besoin de règles de coexistence dont la violation requiert une réponse adéquate, a reconnu le Pape François face à un public de juristes. Mais nous vivons des temps dans lesquels certains secteurs de la politique ou des médias incitent à la violence et à la vendetta, publique et privée, non seulement contre ceux qui sont responsables d’avoir commis des délits, mais aussi contre ceux qui sont soupçonnés, de façon plus ou moins fondée, d’avoir enfreint la loi ».
« Dans ce contexte, s’est développée dans les dernières décennies la conviction qu’à travers la condamnation, on peut résoudre les problèmes sociaux les plus divers. On croit qu’à travers la condamnation, on pourrait obtenir des bénéfices qui demanderaient la mise en place d’un autre type de politique sociale, économique et d’intégration sociale », a mis en garde le Pape.
La justice doit être au service de l’humain
En évoquant la question de la proportionnalité des peines, François a rappelé l’opposition explicite de l’Eglise à la peine de mort depuis l’encyclique de Jean-Paul II Evangelium Vitae. Il dénonce la politique des régimes totalitaires et dictatoriaux, qui utilisent leur code pénal comme instrument d’oppression de la dissidence politique ou de persécution des minorités religieuses et culturelles.
Le Pape a aussi évoqué l’usage abusif de la détention préventive et de la torture, qui ne se pratiquent pas seulement dans les camps de concentration rappelle-t-il, mais aussi dans « des institutions pour mineurs ou des hôpitaux psychiatriques ». Dans une allusion aux pratiques de la CIA dans la lutte contre le terrorisme, il a dénoncé « la responsabilité des Etats qui tolèrent la torture ou autorisent le transport dans leur espace aérien de détenus envoyés vers des centres qui pratiquent la torture ».
Ceci me fait revenir à l’article que j’ai écrit sur Les Nations Unies et les Drogues. Celui qui a besoin des drogues pour vivre et n’a pas les moyens de se les payer, volera ou commettra quelque délit pour obtenir cette drogue. Nous engorgeons ainsi nos prisons de possesseurs et d’utilisateurs de drogues, qui au départ ne sont pas des criminels, et en faisons des désaxés et des délinquants. Ce système pénitentiaire engorgé ne peut qu’avoir un caractère criminogène. La prison isolera pour un temps un délinquant du reste de la société et donnera à cette dernière l’illusion de la sécurité mais permettra la formation d’un bon nombre de délinquants qui deviendront, à leur sortie, de vrais dangers pour la sécurité des honnêtes citoyens.
Le populisme pénal ne prévoit que la répression et ne soucie pas de l’après. Il oublie que la prison doit avoir un double objectif : apporter la sécurité des gens et la réhabilitation ou l’encadrement du délinquant.
Sans aucun doute, la sécurité est chérissable. Mais il faut agir et légiférer avec raison et non seulement sur l’émotion. De plus, en ce qui concerne la politique sur les drogues, il faut se demander si l’emprisonnement est le moyen.
Louise Lamarre Proulx.
Présidente sortante de l’ACNU-Grand Montréal.